Relief et climat de la Montagne Noire
Un touriste non averti a du mal à comprendre comment des rivières coulent de l’Est vers l’Ouest (comme l’Hers mort sur le versant atlantique) et d’autres en sens inverse, de
l’Ouest vers l’Est (comme le Fresquel sur le versant méditerranéen). A Naurouze, la fontaine de Lagrave partageait ses eaux entre les deux versants : Riquet connaissait très exactement cet
emplacement et il sut bien l’exploiter pour la conception de son canal avec un bief de partage à Naurouze (1666-1681). La clef est dans une rapide présentation du relief lauragais, avec ses
différentes zones ainsi réparties : la Mon-tagne Noire, une dépression périphérique Revel-Castelnaudary, deux massifs de collines molassiques, un couloir central emprunté par l’Hers mort (de Castanet
à Naurouze).
La Montagne Noire est très ancienne (primaire) avec des formes usées, dissymétriques, opposition entre un versant Nord faillé et très raide, et un versant Sud aux pentes plus douces et des rivières
s’écoulant vers le Sud, vers le Fresquel. La ligne de partage des eaux passe par un point stratégique d’une exceptionnelle importance, à cinq kilomètres en amont des Cammazes, au lieu dit le Conquet,
où, sur une distance de 150 mètres, on passe du versant méditerranéen au versant atlantique.
Autre intérêt de la Montagne Noire : elle est très arrosée par les pluies, la neige, les orages estivaux. La hauteur annuelle des pluies évolue comme suit : 700 mm à Revel, 850 à Saint-Ferréol, 1000
et 1500 au Pic de Nore. C’est un riche château d’eau. Les deux Massifs de Collines présentent une pente générale orientée vers l’Ouest, vers Toulouse comme s’écoulent l’Hers mort et ses affluents.
Ils sont séparés par une gouttière empruntée par l’Hers où s’accumulent les voies de communication : l’antique voie romaine (la via aquitania), le canal du Midi, la voie ferrée Toulouse-Narbonne,
l’autoroute A61.
Le climat du Lauragais a des conséquences directes sur le régime des cours d’eau très contrasté, des eaux abondantes en saison froide, surtout au printemps. La sècheresse estivale conduit au
dessèchement des ruisseaux complètement à sec, tel l’Hers mort, bien mort en août-septembre, que l’on peut traverser à pied. Les orages peuvent déclencher des crues brutales et dévastatrices. Ainsi à
Baziège, le village avant 1975-1980, était régulièrement menacé par les crues de l’Hers et de ses affluents. Malgré les travaux récents d’élargissement (1975-80), la menace persiste. Un Syndicat de
communes s’est récemment constitué pour la surveillance de l’Hers et de ses affluents dans l’en-semble du bassin versant, appelé Syndicat Mixte du bassin versant de l’Hers, dont le siège est à
Toulouse. Deux autres syndicats, très récents s’intéressent à l’aménagement hydraulique de la Saune et la Sausse.
La ligne de séparation des eaux
S’écoulant, les unes sur le versant atlantique, les autres sur le versant méditerranéen, cette ligne de partage est intéressante à connaître pour comprendre le dessin du chevelu hydrographique. A
Hou-noux, au Sud de Fanjeaux, la Vixiège s’écoule vers l’Atlantique, puis la ligne suit l’alignement de villages : La Cassaigne, Laurac (le versant Nord Est de la butte est drainé vers l’Est),
Laurabuc, Mireval, Fendeille, Villeneuve la Comptal. Barai-gne est au point d’une source du Fresquel (au Nord du village), l’autre source est au pied de Saint-Félix. A Naurouze, la limite de partage
est perpendiculaire à la route nationale 113, près de la cabine téléphonique. Le rebord de la cuesta de Saint-Félix (l'Est du village) est atlantique. Puis le seuil de Graissens sépare un affluent du
Fresquel alors qu’au Nord de ce seuil, le Laudot affluent du Sor est atlantique. Les Brunels sont méditerranéens, les Cammazes sont atlantiques, le lac des Cammazes, sur le Sor, est atlantique. La
limite monte vers Grange Vieille. Arfons est atlantique, le Lampy méditerranéen. La prise d’Alzeau et la Galaube sont méditerranéens.
La Galaube est le deuxième réservoir d'eau potable, elle date de 2002
Crédit photo : Institution Interdépartementale pour l'Aménagement Hydraulique de la Montagne Noire
Description rapide du chevelu hydrographique
Nous distinguerons deux grands ensembles : les cours d’eau du versant atlantique et ceux du versant méditerranéen.
La Vixiège prend sa source près de Hounoux, au Sud de Fanjeaux. Orientée Est-Ouest, elle arrose Belpech et conflue avec l’Hers Vif (ou Grand Hers) près de Cintegabelle. La Vixiège a des eaux
abondantes lors de la saison froide. L’Hers vif est une rivière puissante venue des Pyrénées, drainant le massif pyrénéen du Saint Barthélemy. La Hize est un ruisseau venant de Gibel-Nailloux et se
jetant dans l’Ariège à Venerque. L’Hers Mort est la principale rivière du Lauragais occidental avec de très nombreux affluents (voir la carte jointe). Sur sa rive gauche, il s’agit du Gardijol, la
Thésauque, l’Amadou, le ruisseau de Nostre Seigné, le ruisseau des Rosiers. Sur sa rive droite, il accueille les eaux de la Ganguise, du Marès, la Grasse, le Rivel, la Marcaissonne, la Saune, la
Seillonne grossie de la Sausse, enfin le Girou. Ce dernier venant de la région de Puylaurens conflue avec l’Hers au Nord de Toulouse (au Nord de Saint Jory). Il est grossi de la Vendinelle et du
Peyrencou.
L‘Hers Mort et sa vallée méritent quelques explications spécifiques. Sa source est à Fonters du Razès (10 km à l’Est de Salles). Il se jette dans la Garonne, à hauteur de Grenade. Sa longueur est de 70 km. A partir de Castanet, il emprunte un couloir jusqu’à Villefranche, puis son affluent le Marès conduit à Avignonet et un fossé atteint le seuil de Naurouze, à 190 mètres. De grands travaux de creusement ont supprimé l’Hers Vieux (qui figure sur tous les cadastres du XIIIe siècle) pour le transformer en Hers Neuf ou Hers contemporain, de 1710 à 1750.
De 1710 à 1750, le lit de l'Hers fut creusé et les méandres supprimés afin de contenir les crues.
Vue du pont d'Escalquens - Crédit photo : Couleur média
Une immense forêt marécageuse de 15000 hectares de chênes et d’aulnes s’étendait à Mon-taudran-Castanet jusqu’à Avignonet-Naurouze. C’est le roi Louis XI qui a
commencé le défrichement continué par Catherine de Médicis, reine de France et surtout comtesse du Lauragais, propriétaire de la forêt. Des travaux de recalibrage ont terminé l’aspect actuel de
tronçons rectilignes de 1970 à 1980. Cette vallée est une très grande voie de passage. C’est la route de l’étain, dès la Préhistoire. Puis la célèbre voie romaine (via aquitania) de Narbonne à
Toulouse (118 avant JC) dont d’importants vestiges sont au musée de Bram ou près de Baziège. Cette vallée est aussi le passage des invasions qu’elles viennent de l’Est ou de l’Ouest, ainsi arrivèrent
les Volques Tectosages (un peuple gaulois) puis les Wisigoths, les Vandales, les Francs. Vers 720, les Arabes venus d’Espagne sont arrêtés près de Toulouse, peut-être à Castanet. En 1355, le prince
Noir et ses pillards anglais et gascons font brûler des centaines de villages lauragais. En 1814, les anglais de Wellington poursuivent l’armée de Soult. Le 12 avril, un accrochage provoque des
victimes anglaises, d’où la présence inattendue d’un cimetière anglais à Baziège, au lieu-dit "La Mothe".
C’est aussi la route des religions avec l’arrivée du christianisme depuis Narbonne, au IIIe siècle après JC, dont témoignent les vestiges d’une église paléochrétienne à Montferrand, près de Naurouze.
Le catharisme, bien implanté en Lau-ragais, voit l’arrivée de la Croisade de Simon de Monfort (1209-1229). La route du pastel du Lauragais a laissé de nombreux "châteaux du pastel". Encore la route
du blé-froment avec l’ouverture du Canal de Riquet. Enfin des apports très originaux ont suivi l’Hers : je fais allusion à la musique des troubadours (XII et XIIIe siècles) originaires d’Al Andalus
(Grenade) qui était une musique arabo-berbère, qui par Valence, Barcelone atteint Toulouse. De même, la médecine arabe a emprunté ce même chemin comme en témoignent les médecins arabes venus à
Toulouse soigner la fracture d'une jambe illustre d'un Comte de Toulouse dont la dépouille repose aujourd’hui dans un sarcophage de la basilique Saint Sernin (Porte des Comtes).
Sur le versant Méditerranéen, l'axe principal est le Fresquel orienté (en gros) Ouest-Est et confluant avec l'Aude près de Carcassonne (au Nord). Dans la région des sources, il est composé de deux
branches : le Fresquel de Baraigne (au Nord du village) et le Fresquel de Saint-Félix (au pied de la cuesta du même nom). Sur sa rive droite, il reçoit un ruisseau indigent, le Tréboul, à sec durant
l'été. Il est le seul cours d'eau dans cette vaste cuvette d'érosion éolienne creusée par les vents à l'époque quaternaire. Par contre, du côté gauche, il accueille les torrents très abondants,
descendant de la Montagne Noire très arrosée : l'Alzeau, la Bernassonne, le Lampy, le Rieutort, le Tenten, la Rougeanne, le Limbe (Saint-Papoul). Ils sont abondants en toute saison, y compris en
juillet-août alors qu'ils sont alimentés seulement par des sources et des orages (très fréquents). Ils peuvent connaître des crues très dangereuses. Cette abondance fait du Fresquel la rivière
principale du Lauragais. C'est à partir de ce débit très fort que Pierre Paul Riquet eut l'idée de génie de détourner une partie des eaux des affluents pour les conduire à Naurouze, donc d'assurer le
fonctionnement du Canal du Midi (1681) grâce à la Rigole de la Montagne.
Les lacs du Lauragais
Ils sont nombreux et variés. Quant à leur construction, les travaux ont débuté en 1666 (la digue de Saint-Ferréol) et se prolongent jusqu'en 2000-2005 (la Galaube). En 2005, la digue de la Ganguise a
été exhaussée.
Voici la liste des principaux plans d'eau du Lauragais : Saint Ferréol, le Lampy, Saint Denis, Laprade, la Galaube, Les Cammazes, la Ganguise et Montbel (dans le département de l'Ariège, alimente la
Ganguise).
Le lac de St Ferréol est un réservoir qui alimente régulièrement le Canal du Midi en eau
Crédit photo : Couleur Média.
Pour mémoire, citons les petits lacs collinaires à usage privé et construits par de grands propriétaires (ou parfois par des associations et regroupements de
plusieurs propriétaires). Les réserves sont utilisées pour l'aspersion du maïs et parfois du tournesol. Le maïs arrosé peut atteindre des rendements très élevés : 150 quintaux à l'hectare. Ces
barrages sont en terre, alimentés par une source, la pluie ou des orages.
Le lac de Saint-Ferréol est le plus ancien (1666-1672). Riquet avait eu d'abord l'idée de construire plusieurs barrages étagés dans la vallée du Laudot, puis, sous l'influence de Clerville, il
construit un barrage unique, énorme, à Saint-Ferréol. La digue sera exhaussée sur les directives de Vauban (1686-87) ainsi que quelques aménagements (voir ouvrage de Max Prado, page 59). Longueur :
871 mètres, hauteur : 30-35 mètres, largeur à la base : 120 mètres, 3 murs parallèles en blocs de roche dure et terre fortement compactés. Des travaux récents, en 2005, ont rendu à la digue une
étanchéité perdue. Volume de la retenue : 6 millions de m3.
Le Lampy fût construit au XVIIIe siècle, en 1777-1778 pour les besoins de la liaison canal du Midi-Robine de Narbonne. C'est Vauban, encore lui, qui a choisi l'emplacement du mur, à quelques centaines de mètres en amont de la chaussée de Riquet (Lampy vieux). L'ouvrage se compose d'un grand mur rectiligne, en maçonnerie de blocs de granit équarri qui ferme le vallon du Lampy dans sa partie retrécie, entre les lieux dits le Cammas en rive gauche et Leignes en rive droite. Le volume de la retenue est de 1,7 million de m3.
Le Lampy fut construit en 1777 afin d'alimenter le Canal de la Robine à Narbonne- Crédit photo : Jacques Batigne
Le barrage des Cammazes est un mur récent de 1957, donc la première construction moderne dans la Montagne Noire, sur la rivière Sor et bénéficiant d'un grand et pluvieux bassin versant de 29,5 km2. Le barrage est du "type voûte conique à rayons variables". Le volume stocké est de 20 millions de m3. Cette réserve est utilisée pour couvrir les besoins en eau potable de la population de centaines de communes du Lauragais et du Tarn, jusque dans la proche banlieue toulousaine. Au Pont Crouzet, une déviation, sur le Sor, alimente la Rigole de la Plaine qui gagne ensuite les Thomases et Naurouze contribuant ainsi à l'alimentation du canal du Midi.
Le barrage des Cammazes constitue une réserve d'eau potable pour une grande partie du Lauragais -
Crédit photo : Couleur Média
Le Lac de la Ganguise est localisé dans le département de l'Aude, sur les communes de Belflou et Gourvieille, entre Salles sur l'Hers et Naurouze. C'est la
Compagnie du Bas Rhône Languedoc (BRL) qui a construit le barrage puis les travaux actuels, avec pour premier objectif l'irrigation et l'arrosage des cultures de la plaine Castelnaudary-Bram, c'est
donc à l'initiative des milieux agricoles audois que la Ganguise a été aménagée. L'alimentation se fait par les eaux de ruissellement concentrées dans le ruisseau Ganguise coulant sur le versant
atlantique. C'est un affluent de l'Hers mort. Son indigence est palliée par les eaux de la Rigole de la Montagne Noire qui, depuis Naurouze, sont refoulées vers le Sud, vers la Ganguise. Des stations
de pompage ou de refoulement sur des conduites enterrées permettent à "l'eau de la Montagne Noire d'entrer dans la Ganguise", comme l'écrivait le journal Midi Libre, le 24 novembre 1979. L'ouvrage a
été commencé en octobre 1977 et achevé en décembre 1979. Il s'agit d'un barrage-poids en terre d'une longueur en crête de 410 mètres, largeur en crête : 7 mètres, à la base 160 mètres, altitude du
couronnement : 232 mètres. Le noyau est en argile et limons étanches et recharges marno-gréseuses. Des travaux très récents (2004-2005) ont surélevé la digue de 6 mètres, portant ainsi la capacité de
stockage de 22 millions à 42 millions de m3. Le remplissage est actuellement en cours (juin 2007). Un splendide plan d'eau est en voie d'élaboration avec une couleur bleue unique : bleu
Ganguise.
Le lac de Montbel n'est pas dans le Lauragais, il faut cependant l'évoquer car il est relié par conduites souterraines à la Ganguise qui, ainsi, est alimentée par des eaux de la Montagne Noire et des
Pyrénées. Montbel est situé dans le département de l'Ariège, à la limite du département de l'Aude, à hauteur de Chalabre.
Le lac de Montbel est idéal pour la baignade, la planche à voile et la pêch. Crédit photo : Mairie de Léran
Il s'agit d'une véritable "mer intérieure" de 550 hectares, et une réserve énorme : 60 millions de m3. L'alimentation est inépuisable : par les eaux de l'Hers Vif, torrent pyrénéen que draine le massif de Saint Barthélemy. L'Hers sert de frontière au Lauragais historique depuis Mazères jusqu'à Cintegabelle, où il conflue avec l'Ariège. D'immenses forêts entourent Montbel (forêt de Léran par exemple), un écrin de verdure incomparable.
L'utilisation des eaux
Nous avons décrit sommairement un système de lacs, situés dans la Montagne Noire, jusqu'à Mont-bel. Quelques lacs sont absents : La Galaube, Saint Denis, Laprade. Couleur lauragais comblera ces
lacunes.
L'utilisation des eaux de l'ensemble des barrages et rivières peut se résumer en quatre types d'usages :
- l'eau potable, surtout celle des Cammazes, très pure, non polluée. Traitée à Picotalen, elle est conduite dans plusieurs dizaines de communes, jusque dans la banlieue de Toulouse et c'est un
privilège, en Lauragais, de "boire l'eau de la Montagne Noire".
- l'arrosage des cultures avec d'énormes rampes (400 m de long) pivotant ou se déplaçant auto-matiquement permet un accroissement spectaculaire des rendements, notamment du maïs (150
quintaux-hectare). Un réseau souterrain de distribution intéresse surtout la région de Castelnaudary-Bram.
- le tourisme est puissamment développé à Saint-Ferréol. Une base de loisirs est à Nailloux sur les bords du lac de la Thésauque, avec une spécialité pour les pêcheurs à la ligne : un concours de
pêche à la carpe, se déroulant la nuit. Sur la Ganguise, une base nautique est spécialisée dans l'exercice de la planche à voile reposant, paraît-il sur des courants d'air très spéciaux à la surface
du lac. Il est fréquent d'admirer 30 à 40 planches glisser à grande vitesse sur le plan d'eau. Autre base de loisirs : l'Orme Blanc, de Caraman.
Le lac de l'Orme Blanc à Caraman est très apprécié pour la pêche- Crédit photo : Couleur Média
- les besoins du Canal du Midi sont à l'origine de la création du splendide réseau de lacs du Lau-ragais. L'ensemble forme une parure incomparable au Pays des Mille Collines.
Ami lecteur, Couleur Lauragais vous a préparé quelques balades très belles "là-haut, sur la Montagne" Saint-Ferréol, la Galaube vous attendent, poussez jusqu'à la Ganguise et Montbel.
Jean Odol
Bibliographie:
Jean Odol : "Le Lauragais" - 2005, "Toponymie et gouttières de l'Hers", "l'Hers au fil du temps" - 2006
R. Lambert : "Recherches hydrologiques dans le Sud Est du bassin garonnais" (thèse) - 1975
Max Prado : "Le canal du Midi" (pour les lacs)
Lucien Ariès : "Le Lauragais, Terre de passages, d'échanges et de culture" - 2006